L'herbicide Flufénacet : source de contamination aux PFAS pour les eaux potables

13/11/2024 PFAS

Le flufénacet, un pesticide couramment utilisé dans l’agriculture céréalière, récemment classé perturbateur endocrinien est aujourd’hui pointé du doigt de par sa composition contenant du TFA (aujourd’hui non réglementé) faisant parti des PFAS et qui est donc potentiellement source d’une pollution massive de l’eau potable en France. Les associations et autres ONG demandent des mesures et son interdiction d’urgence.

Qu'est-ce que le Flufénacet et comment il est utilisé en France et en Europe ?

Le flufénacet est un herbicide oxyacétanilide, faisant parti de la famille chimique des PFAS est utilisé principalement dans les cultures céréalières et est d'ailleurs le 9ème herbicide le plus utilisé en France. Bien que son autorisation ait expirée au niveau européen le 31 décembre 2023, de nombreuses procédures de prolongation ont eu lieu (9 au total) en attendant que son évaluation soit finalisée. Le 27 septembre 2024, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (l’EFSA) a pris pour décision de classer cet herbicide comme perturbateur endocrinien. Au-delà de son statut de pertubateur endocrinien, les évaluations de l’EFSA montre également que l’usage du flufénacet conduit à une pollution et à des concentrations très importantes de TFA dans les eaux souterraines.

Quelques rappels sur le TFA

Le TFA, un des métabolites du flufenacet se formant dans les sols et contaminants les eaux naturelles et potable doit être considéré comme un métabolite pertinent pour l’eau potable, laissant envisager des taux records de non-conformité de l’eau lorsque le TFA sera intégré au contrôle sanitaire de l’eau potable.

Quel est le problème avec les TFA (l'Acide trifluoroacétique) ?

Bien que les effets spécifiques du TFA sur la santé humaine ne soient pas encore complètement compris, des études suggèrent une toxicité pour le foie et la reproduction. Le manque de solutions techniques permettant d’éliminer le TFA dans l’eau ne sont pour le moment pas très efficace. La concentration en TFA dans les eaux ne peut donc qu’augmenter pour le moment. Il est donc crucial de limiter l'utilisation du flufénacet et de mettre en place une surveillance et une réglementation adéquates pour le TFA dans l'eau potable pour prévenir tout risque pour la santé humaine et l'environnement.

Quelles sont les limites de TFA dans l’eau potable ?

Bien que l'utilisation du flufénacet ne soit pas réglementée en France, l'acide trifluoroacétique (TFA), issu de sa dégradation, devrait être classé comme substance « pertinente » pour l'eau potable, ce qui signifie qu'il est considéré comme présentant un risque.

Deux limites de qualité distinctes pourraient s'appliquer au TFA dans l'eau potable. Une première limite pour le total des PFAs dont fait parti le TFA, fixé à un total de de 0,5 µg/L par la directive européenne.
Concernant le TFA en tant que métabolite de pesticide, la règlementation française prévoi une limite de 0,1 µg/L pour les métabolites pertinents dans l'eau potable. Le flufénacet étant classé comme perturbateur endocrinien, le TFA est considéré comme un métabolite pertinent selon la méthodologie d'évaluation de l'Anses.

En résumé, l'eau potable devrait respecter à la fois le seuil de 0,5 µg/L pour la somme de tous les PFAS, et le seuil plus strict de 0,1 µg/L pour le TFA seul.

Il est important de noter que le dépassement d'une limite réglementaire ne signifie pas nécessairement un risque pour la santé. Pour déterminer le niveau de risque, il faut se référer à des valeurs sanitaires basées sur des études toxicologiques.
En l'absence d'une valeur toxicologique de référence française pour le TFA, il est recommandé d'utiliser la valeur indicative de 2,2 µg/L établie par l'Institut néerlandais pour la santé publique et l'environnement (RIVM).

Que veulent les ONG concernant l'utilisation du flufénacet ?

Face aux risques posés par le flufénacet et son métabolite, le TFA, pour la santé humaine et l'environnement, les ONG réclament des actions concrètes pour limiter son utilisation et son impact. Leurs demandes se concentrent principalement sur l'interdiction du pesticide et la mise en place de mesures pour gérer la contamination au TFA.

La principale revendication concerne l’interdiction pure et simple du flufénacet au niveau européen de la part de l’ONG PAN Europe, en collaboration avec 48 autres associations.
En France, l’association Générations Futures exige la suspension immédiate de l’utilisation des produits à base de flufénacet sur le territoire français. Cette même association insiste sur la nécessité de considérer le TFA comme un métabolite pertinent pour l’eau potable, ce qui conduirait à l’application d’une limite de qualité plus stricte (0,1 µg/L). Dans une plus grande ampleur, Générations Futures préconise de limiter l’usage de tous les pesticides PFAS, car pouvant se dégrader en TFA.
Enfin, les différentes ONG demandent des études indépendantes pour déterminer avec précision les effets du TFA sur la santé humaine et définir une valeur sanitaire.

L'utilisation du flufénacet soulève donc de graves préoccupations en matière de pollution de l'eau potable en raison de son lien avec les PFAS et le TFA, un métabolite non réglementé. Bien que les effets du TFA sur la santé humaine ne soient pas encore complètement élucidés, des études suggèrent des risques pour le foie et la reproduction. En l'absence de solutions techniques efficaces pour éliminer le TFA de l'eau, la contamination des ressources en eau potable risque de s’aggraver. Les ONG appellent donc à une interdiction urgente du flufénacet et à une surveillance renforcée des contaminants PFAS, visant à limiter cette menace croissante pour la santé publique et l’environnement.