L’octocrylène bientôt interdit dans les crèmes solaires et autres cosmétiques ?
Le 26 mai dernier, l’Anses (agence nationale de sécurité sanitaire) a demandé au gouvernement de porter à Bruxelles une demande de restriction de l'octocrylène, un filtre chimique, jugé dangereux pour l’environnement et à risque pour les consommateurs.
Cette demande s’inscrit dans le cadre d’une évaluation en cours, de l’effet de cette substance sur la santé humaine et sur l’environnement, dans le cadre de la règlementation REACH.qui recense et évalue les substances chimiques en France et qui est actualisée deux fois par an et dont deux nouvelles substances ont d’ailleurs été récemment ajoutées.
Qu’est-ce que l’octocrylène et pourquoi pose-t-il problème ?
L’octocrylène est un filtre UV chimique que l’on retrouve dans de très nombreuses crèmes solaires et dans divers cosmétiques (ex : crèmes anti-âge).
L’usage de l’octocrylène ( N° CAS : 6197-30-4) dans les produits cosmétiques est dû à ses nombreuses fonctions pratiques pour les cosmétiques.
L’octocrylène est tout d’abord un agent stabilisant, améliorant les ingrédients ou la stabilité de la formule ainsi que la durée de conservation du produit.
Il a également un rôle d’absorbant d’UV, protégeant le produit cosmétique contre les effets de la lumière UV.
Enfin, il a une fonction de filtre UV, permettant de filtrer certains rayons UV pour protéger la peau ou les cheveux de ses effets nocifs.
Des risques pour l’environnement
Des évaluations ont déjà permis de mettre en lumière les risques pour l’environnement de l’usage de l’octocrylène.
Cette substance, très répandue dans les crèmes solaires entraîne des effets néfastes pour l’environnement et pour la vie marine, en ayant notamment un impact sur les coraux.
En effet, l’octocrylène se décompose en toxiques qui détruisent les fonctions vitales des coraux. Ce dernier est aussi particulièrement bioaccumulable : il persiste longtemps et s’accumule au fil du temps dans les organismes.
Ces risques avérés pour l’environnement ont déjà décidé certains territoires de l’interdire des produits de protection solaires pour protéger la faune marine. C’est notamment le cas des îles vierges des Etats-Unis, la république des îles Marshall, Palaos en Micronésie.
Les risques pour l’être humain
Outre son impact certain sur l’environnement, l’usage de l’octocrylène dans les crèmes solaires et les cosmétiques fait de plus en plus craindre un impact sur la santé des consommateurs. En effet, certaines publications scientifiques mettent en cause cette molécule qui laisse entrevoir un effet indésirable pour ses utilisateurs.
Au fil du temps, l’octocrylène se transforme en benzophénone, un composé dont les auteurs d’études jugent comme génotoxique, cancérogène et ayant un rôle de perturbateur endocrinien. L’« L’industrie cosmétique sait depuis un certain temps que l’octocrylène est contaminé par de la benzophénone qui ne peut être retirée en totalité lors de la fabrication ».
Au cours d’une étude, après avoir effectué des tests de vieillissement accélérés, mimant les effets d’une durée d’un an, la teneur en benzophénone avait sensiblement augmentée dans les produits. Toujours dans cette étude, un produit témoin sans octocrylène n’avait, après analyse, aucune trace de benzophénone.
Les chercheurs ont donc conclu à l’époque que la sécurité de ce composé, en tant que générateur de benzophénone, devait être réévaluée d’urgence par les agences sanitaires.
Quelle est la règlementation actuelle autour de l’utilisation de l’octocrylène dans les cosmétiques ?
Le comité scientifique européen (CSSC) avait rendu un verdict quant à l’utilisation de l’octocrylène dans les cosmétiques. Il avait conclu que son utilisation dans les cosmétiques comme filtre UV est sans danger jusqu’à une concentration maximale de 10%, lorsqu’il est utilisé individuellement, en précisant qu’au-delà de ce taux, son utilisation n’était plus sûr.
Son utilisation avait également été considérée comme sûre pour une utilisation combinée de crème/lotion solaire, de crème pour le visage, de crème pour les mains et de rouge à lèvres avec là aussi une concentration pouvant aller jusqu’à 10%.
Pour ce qui est de son usage dans crèmes solaires sous forme de spray (ou aérosol), le taux de 10% n’est pas considérée comme sûr pour une utilisation combinée. Le CSSC considère que dans ce contexte, une concentration de 9% permet de d’avoir un produit avec plus de garantie pour la santé.
Ce que demande l’Anses
Alors que l’évaluation et l’impact de l’octocrylène sur la santé est encore en discussion, la demande de l’Anses concerne l’impact de l’octocrylène sur l’environnement.
Son évaluation sur l’environnement a permis de soulever une préoccupation concernant les risques pour l’environnement. Selon Franceinfo, l’Anses a donc initié une procédure RMOA (« Risk Management Options Analysis ») met le lien vers la source ou le document justificatif. Cette procédure a pour but de restreindre, voir interdire l’utilisation de l’octocrylène dans les crèmes solaires, car elle estime que c’est l’unique solution pour éliminer la présence et les risques assimilés à cette substance dans l’environnement.
Cette demande a donc aujourd’hui été portée au ministère de la transition écologique, qui doit lui-même porter cette demande aux institutions de Bruxelles. Cependant, il semblerait que la transmission de cette demande soit bloquée dans le ministère français.
Une situation de blocage pour l’interdiction de l’octocrylène ?
Bien que le cabinet du ministère français confirme avoir bien réceptionné la demande d’interdiction de l’Anses, le ministre de la transition écologique Christophe Béchu serait « favorable à ce stade à porter une analyse des options » pour que le gouvernement français puisse porter la demande au niveau européen pour analyser toutes les options possibles, en vue de supprimer les risques liés à l’octocrylène. L’interdiction, soutenue par la France, sera dans ce cadre l’une des options étudiées.
Sources
https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.chemrestox.0c00461#
https://hal.science/hal-04085082/document
https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2007:136:0003:0280:fr:PDF
https://incibeauty.com/blog/360-avis-final-du-cssc-sur-la-securite-de-l-octocrylene
Ajouter un commentaire