Pourquoi l’ANSES ne veut plus de soja dans les cantines?
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a récemment émis des recommandations importantes concernant la présence de produits à base de soja dans la restauration collective.
Ces recommandations, qui s’adressent aux crèches, écoles, collèges, cantines d’entreprises et EHPAD, suggèrent de ne plus servir d’aliments à base de soja.
Cette prise de position fait suite à l’évaluation des risques liés à la consommation d’isoflavones, des composés naturellement présents dans le soja.
En quoi la consommation de soja peut-elle être problématique?
La consommation de soja est principalement mise en cause en raison de sa forte teneur en isoflavones, des composés végétaux qui ont une structure similaire à celle des œstrogènes, les hormones sexuelles féminines.
Ces isoflavones font partie d’une catégorie plus large de substances appelées phytoœstrogènes et peuvent interagir avec notre équilibre hormonal.
Une consommation importante d’isoflavones pourrait ainsi perturber cet équilibre en se fixant aux récepteurs d’œstrogènes dans le corps.
Quels sont les risques pour la santé ?
Une consommation élevée d’isoflavones a été associée à des risques potentiels pour la santé, en particulier pour le système reproducteur. Chez les femmes, des études suggèrent qu’une ingestion excessive d’isoflavones pourrait allonger la phase folliculaire du cycle menstruel et retarder l’ovulation, réduisant ainsi la fertilité.
Elle pourrait également affecter la phase lutéale, cruciale pour l’implantation de l’embryon, en diminuant la production de progestérone. De plus, un léger allongement du cycle menstruel, potentiellement indicateur d’un déséquilibre hormonal, a été observé. Chez les hommes, une forte consommation d’isoflavones a été liée à une baisse du nombre de spermatozoïdes, probablement due à une modulation de la testostérone.
Des études sur des rats mâles exposés aux isoflavones pendant la gestation ont également montré une diminution de l’épididyme, un organe essentiel à la maturation des spermatozoïdes. Bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires, l’Anses adopte une approche de précaution face à ces risques potentiels.
Il est également important de noter que, bien que les phytoœstrogènes soient d’origine végétale, leur ingestion n’est pas sans risque pour la santé. Par exemple, une prudence est recommandée pour les femmes ayant des antécédents familiaux de cancer, en particulier du sein.
Certaines études ont même suggéré un potentiel lien entre les phytoœstrogènes et l’augmentation du risque de cancer du sein.
Que sont les isoflavones ?
Les isoflavones sont des substances phytochimiques, c’est-à-dire des composés naturellement produits par les plantes. Elles constituent l’une des trois familles de phytoœstrogènes, avec les lignanes et les coumestans. Les phytoœstrogènes sont des molécules présentes dans les plantes dont la structure et le fonctionnement sont très proches de ceux des œstrogènes, les hormones sexuelles féminines indispensables au bon fonctionnement du corps des femmes. Les isoflavones les plus répandues et utilisées, notamment dans les compléments alimentaires, sont la génistéine, la daidzéine et la glycitéine. On les retrouve principalement dans le soja et certains fruits et légumes.
Les phytoœstrogènes sont donc des molécules végétales qui miment l’action des hormones sexuelles, principalement les œstrogènes, en se fixant sur les récepteurs œstrogéniques présents dans le corps humain au niveau des os, de la peau et des vaisseaux sanguins.
On distingue trois sous-catégories principales de phytoœstrogènes : les isoflavones, les lignanes et les coumestans, chacune ayant des propriétés potentiellement différentes.
Quels sont les autres phytooestrogènes ?
Outre les isoflavones, d’autres phytoœstrogènes existent. Les lignanes sont une autre famille importante de phytoœstrogènes, présentes notamment en grande quantité dans les graines de lin. Les coumestans constituent la troisième catégorie. On retrouve des phytoœstrogènes dans plus de 600 plantes, incluant la luzerne, le trèfle et le houblon. Certains légumes crucifères comme le brocoli, les choux de Bruxelles, les choux verts et les choux-fleurs contiennent également des composants œstrogéniques.
Quels sont les seuils actuels de consommation en isoflavones ?
L’Anses a établi, pour la première fois, des seuils toxicologiques de référence (VTR) considérés comme sans risque pour la santé en matière d’ingestion d’isoflavones.
Ces seuils sont de 0,02 mg d’isoflavones par kilo de poids corporel et par jour pour la population générale, et de 0,01 mg/kg pour les femmes enceintes ou en âge de procréer, ainsi que pour les enfants prépubères.
Comment ces seuils ont-ils été fixés?
Pour établir ces seuils, l’Anses s’est appuyée sur les connaissances scientifiques disponibles chez l’être humain et l’animal, en recherchant un effet critique, c’est-à-dire le seuil en dessous duquel il n’y a supposément aucun risque pour la santé.
Les études ont été principalement réalisées sur des rats, chez lesquels il est plus facile de mesurer précisément la dose d’isoflavones consommée.
Les résultats ont ensuite été extrapolés afin de déterminer des seuils toxicologiques pour l’homme, en tenant compte de différents facteurs et du risque potentiel de perturbation de l’équilibre hormonal.
Quelles sont les recommandations de l’ANSES concernant la consommation de soja et d’isoflavones?
Sur la base de ses évaluations, l’Anses recommande de ne pas servir d’aliments à base de soja dans la restauration collective pour toutes les catégories d’âge afin d’éviter une surconsommation d’isoflavones.
En comparant les seuils toxicologiques aux niveaux d’exposition alimentaire de la population française, l’Anses a constaté qu’il existe un risque de dépassement des VTR chez les consommateurs d’aliments à base de soja.
Par exemple, 76 % des enfants de 3 à 5 ans consommant ces aliments dépassent la VTR.
L’Anses invite également les producteurs et les industriels de l’agroalimentaire à revoir les techniques de production et de transformation du soja afin de diminuer les teneurs en isoflavones dans les aliments.
Il est noté qu’il existe une grande variabilité de la teneur en isoflavones entre les différents produits à base de soja, en fonction de la variété de soja, des conditions de culture et des procédés de fabrication.
Quels sont les autres aliments riches en isoflavones ?
Bien que le soja soit la principale source d’isoflavones, on peut également en retrouver, en quantités plus modestes, dans d’autres aliments.
Ceux-ci incluent certains légumes secs (légumineuses) comme les pois chiches, ainsi que les brocolis, les noisettes et le pamplemousse.
On en trouve également dans les oignons, les pommes, le vin rouge et le thé.
Cependant, la teneur en isoflavones dans ces aliments est généralement bien inférieure à celle présente dans les produits à base de soja.
Les recommandations de l’Anses de ne plus servir de soja dans les cantines sont fondées sur une évaluation scientifique rigoureuse des risques potentiels liés à une consommation excessive d’isoflavones, notamment en ce qui concerne le système reproducteur. Les seuils toxicologiques établis mettent en évidence un risque de dépassement chez les consommateurs de produits à base de soja, en particulier chez les enfants et les femmes en âge de procréer. Bien que d’autres aliments contiennent des isoflavones, le soja en demeure la source principale et la plus concentrée. L’Anses préconise donc une diversification des aliments d’origine végétale et encourage les industriels à réduire la teneur en isoflavones dans les produits à base de soja. Cette approche vise à protéger la santé des populations les plus vulnérables en restauration collective, en adoptant un principe de précaution face aux potentiels effets perturbateurs des isoflavones sur l’équilibre hormonal.
Sources:
https://anses.fr/fr/content/eviter-les-isoflavones-dans-les-menus-des-restaurations-collectives
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